Doctrine Juridique

Les brevets à l'assault de l'internet

L'internet serait-il déjà "propriété privée" ? Que diraient les tenants du libre accès s'ils connaissaient le nombre impressionnant de brevets déposés dans le monde pour couvrir des interventions en rapport direct avec l'internet ? Au vu de ces brevets, des pans entiers de fonctionnalités internet (accès au réseau, outils de recherche, technique de "glisser-déplacer", extraction de contenus...) mais aussi du e-commerce ("système" et "méthode" de commerce électronique, procédés de ventes aux enchères en ligne, de facturation et de paiement à distance...) se trouveraient déjà réservés.

Le brevet est naturellement adapté pour protéger les techhnologies internet, dès lors qu'elles sont nouvelles et inventives, s'agissant de procédés intelligents et d'appareils impliquant la mise en oeuvre de logiciels ou d'algorithmes, et non de "méthodes" à proprement parler (par définition non brevetables).

Il est aussi devenu un outil incontournable des stratégies commerciales des entreprises, constituant un atout pour séduire ou rassurer les investisseurs et partenaires, en offrant une meilleure visibilité que le logiciel en permettant de se positionner par rapport à la concurrence. Certes, la validité d'un brevet n'est pas présumée et peut être remise en cause à tout moment, notamment à l'occasion d'un procès en contrefaçon intentée par son titulaire.

On peut donc s'interroger sur la force et l'espérance de vie de nombre de brevets au regard du droit dont il relèvent. La demande de brevet permet de gagner du temps sur la concurrence et de convaincre pendant la période de sa délivrance dite "de secret" (18 mois en Europe).

Et le temps est précieux. les entreprises françaises doivent donc tenter de breveter leurs "inventions internet", en s'efforçant d'identifier l'état de la technique antérieure pour mieux s'en distinguer et obtenir un titre viable. Ce, d'autant plus que les inventions logicielles pourront bientôt être brevetées en Europe, alors qu'elles étaient jusqu'alors exclues de la brevetabilité (notamment en France).

Régis Carral, avocat associé

Article publié pour la première fois dans la revue Internet Marchand, n°20, juin 2000.

Site créé par Frédéric Guénin.