Doctrine Juridique

Les modifications introduites, par la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation, au regard des jeux de hasard

Windows & Internet : Pouvez-vous nous résumer les modifications introduites par la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation au regard des jeux de hasard ?

Ella Wachtel : D’une part, la Loi Hamon vient élargir la notion de jeu de hasard, lequel était défini par la loi du 12 mai 2010 règlementant le secteur des jeux en ligne comme « un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté (…) ». Or, en se fondant sur cet article, la Cour d’Appel de Toulouse avait considéré, dans un arrêt du 17 janvier 2013, qu’à défaut de faire prédominer le hasard sur l’habileté le poker n’était pas un « jeu de hasard » au sens de la loi, en particulier pour les joueurs coutumiers. Une telle décision ouvrait une brèche pour soustraire l’organisation de parties de poker à l’application de la loi du 12 mai 2010. Par la Loi Hamon, le législateur est venu modifier la définition des « jeux d’argent et de hasard » afin d’y inclure « toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l'opérateur de la part des participants ». La seule intervention du hasard suffit donc désormais pour que soit caractérisé un jeu de hasard, cette notion ayant donc un sens beaucoup plus large. En outre, la Loi Hamon a encore élargi cette notion à deux égards : sont désormais également visés (i) « les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur », et (ii) les jeux proposés sur Internet comportant un sacrifice financier y compris dans les cas où « l'organisateur exige une avance financière de la part des participants, même si un remboursement ultérieur est rendu possible ».

Par conséquent, tout jeu répondant aux critères susmentionnés tombera sous le coup de la réglementation des jeux de hasard et sera donc illicite à défaut d’en respecter les exigences spécifiques (obtention d’une licence, respect de mesures protectrices, etc).

D’autre part, la Loi Hamon a étendu les pouvoirs de l’ARJEL. Celle-ci pourra en effet désormais (i) saisir le TGI « aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant la cessation de toute publicité en faveur d'un site de paris ou de jeux d'argent et de hasard non autorisé (…) », (ii) saisir le TGI aux fins de demander le blocage de tout site illégal de jeux d’argent et de hasard alors que jusqu’à présent ce blocage ne pouvait être demandé que pour des sites proposant des jeux soumis à un agrément -paris sportifs, paris hippiques et poker- et (iii) décider de l'ouverture d'une procédure de sanction à l'encontre d'un opérateur agréé manquant à ses obligations sans lui avoir envoyé préalablement une mise en demeure. Enfin, les opérateurs n’ont désormais plus le droit d’adresser des publicités aux interdits de jeux et aux joueurs ayant demandé une auto-exclusion.

Cette réforme témoigne de la volonté du législateur de mieux contrôler le secteur des jeux en ligne en en prévenant, autant que possible, les contournements et abus.

Maître Ella Wachtel, est avocat au sein du département Propriété intellectuelle & Technologies de l’information du Cabinet Hoche Société d’avocats.

Article publié pour la première fois dans la revue Windows & Internet, n°20, septembre 2014

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