Doctrine Juridique

Jeux et paris en ligne

Internet Pratique : Comment savoir si un site de jeux et paris en ligne est légal ?

Maître Frédéric Guénin :

Pour commencer, la loi impose aux sites qui exercent leur activité en France l’utilisation d’un nom de domaine en « .fr ». Mais tous les sites en « .fr » ne sont pas pour autant légaux…

Pour s’en assurer, il existe deux façons de procéder. Soit, à l’occasion de la visite d’un site, il faut rechercher le logo de l’ARJEL (qui est l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne). Les sites légaux doivent obligatoirement l’afficher, mais il est très petit et souvent situé dans un endroit peu visible du site. Soit, il faut aller directement sur le site de l’ARJEL (www.arjel.fr) qui liste l’ensemble des sites agréés. En cas de doute, une visite sur le site de l’ARJEL s’impose, car des personnes animant un site illicite pourraient ne pas hésiter à contrefaire le logo de l’ARJEL.

Nos lecteurs doivent être avertis que de très nombreux sites proposent illégalement, en langue française, leurs services sur des sites en « .com » notamment et souvent exploités à partir de paradis fiscaux.

Il est important de savoir que l’ARJEL est l’organisme de droit public français chargé, notamment, de décerner un agrément aux sites de jeux et paris en ligne qui respectent la législation en vigueur.

La « légalité » d’un site, c'est-à-dire son agrément par l’ARJEL, assure notamment les joueurs :
- d’une interdiction de jouer pour les mineurs même émancipés,
- de mesures visant à les protéger contre l’addiction,
- de l’intégrité, la fiabilité et la transparence de leurs opérations de jeux,
- de mesures visant à lutter contre les activités frauduleuses et le blanchiment d’argent,
- d’une redistribution de leurs mises, pour partie, sous forme d’un financement des filières hippiques et sportives visant à leur pérennité.

I.P. : Les casinos virtuels sont-ils autorisés en France ?

F. G. : Ont seuls été autorisés en France, par la loi du 12 mai 2010 « relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne », les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle. En pratique, s’agissant de ces derniers, seul le poker est autorisé et, pour les connaisseurs, seuls les formes de jeu « Texas Hold’em » et « Omaha Poker 4 ». A ce jour, toute autre forme de jeu de casino est prohibée.

I.P. : Les jeux à gratter sont-ils le monopole de la Française des Jeux ?

F. G. : Effectivement, cet « opérateur historique » reste seul habilité à proposer, tout comme il le fait dans le réseau physique des bureaux de tabacs, des jeux à gratter même, s’il faut bien le dire, beaucoup de sites de jeux à gratter sont proposés à destination du public français.

Il convient toutefois de distinguer le cas des sites proposant, gratuitement (soi-disant le plus souvent), des jeux à gratter. Il faut en général accepter en contrepartie un matraquage publicitaire intensif. Et, lorsqu’un paiement vous est finalement demandé (le plus souvent après qu’on vous ait offert un certain nombre de parties), les conditions générales de ce type de site proposent le remboursement des frais de jeu, afin de justifier leur caractère gratuit et d’éviter à leurs promoteurs des poursuites pénales. La moindre des recommandations à donner à nos lecteurs est de ne pas hésiter à demander le remboursement de ces « frais ». Il est prudent également de vérifier la nationalité de la société qui exploite du site ou, à défaut de mention, la domiciliation de celui qui détient le nom de domaine, information librement accessible sur le web, et ce afin de se ménager la faculté d’agir en justice.

I.P. : Peut-on parier sur tout et n’importe quoi ou uniquement sur le sport ?

F. G. : Là encore, l’offre est très large sur l’internet. Toutefois, pour les personnes qui souhaitent se limiter aux sites de paris légaux, seuls les paris sportifs sont autorisés. Par ailleurs, pour les seuls sports listés sur le site web de l’ARJEL, seules certaines compétitions peuvent donner lieu à des paris sportifs, par exemple le Tour de France en cyclisme. La liste des sports et compétitions est librement disponible sur le site de l’ARJEL. A noter que, si les sports très médiatiques que sont le football, le rugby et le tennis font bien évidemment partie du périmètre des sports pouvant donner lieu à paris, d’autres nettement plus confidentiels le sont également, tels que : l’aviron, le billard, la pelote basque, la pétanque et jeu provençal, le roller skating… Finalement, il y en a pour tous les goûts ! Mais, en France, on ne peut pas parier en ligne sur le prochain vainqueur de l’élection présidentielle.

I.P. : Est-ce que le mot Loto est déposé, en clair puis-je proposer un jeu sur le site de mon association, nommé « Loto du Club de Judo » ?

F. G. : La dénomination « Loto » est effectivement déposée. Si de nombreux clubs (et pas seulement de Judo, même si je vous remercie de parler de mon sport favori) organisent toutefois leur traditionnel « loto » annuel afin de récolter quelques fonds, il ne saurait être question pour le club de proposer une offre de loto en ligne. Des sanctions pourraient être prononcées à l’encontre du club et des organisateurs d’un tel jeu illicite (peines d’emprisonnement et amendes), bref « Ippon » pour l’ARJEL !

I.P. : A l’instar de certains américains vis-à-vis des fabricants de tabac, un parieur dépendant et désormais non solvable financièrement peut-il se retourner juridiquement contre un site officiel au motif que ce dernier ne l’a pas assez renseigné sur les dangers liés aux paris en ligne ?

F. G. : Juridiquement, une personne peut toujours saisir une juridiction si elle s’estime victime. Mais, il lui faudrait démontrer une faute qui lui aurait de manière causale créé un préjudice dont il faudrait encore démontrer l’ampleur.

Si l’on reprend ces différents éléments, pour un site de jeux et paris en ligne, la faute consisterait à ne pas avoir respecté la réglementation relative à la protection du joueur, à la lutte contre l’addiction et contre le jeu excessif imposée par la loi aux sites légaux.

De nombreuses mesures d’information ont été prises pour éviter de telles situations, comme la mention d’un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique dans toute publicité pour un opérateur de jeux ou la mise en service un numéro d’appel « joueur écoute info service » (le 09 74 75 13 13) aux fins de prévenir les situations de dépendance, d’isolement et d’endettement.

Quant au préjudice, le joueur ruiné devrait démontrer qu’il est exclusivement imputable à un ou plusieurs sites officiels et à condition de pouvoir rapporter la preuve du montant de ses mises. Or, un joueur compulsif sera très certainement allé jouer sur de très nombreux sites et pas uniquement sur des sites légaux… Il pourra également songer à agir à leur encontre, mais avec une probabilité de succès des plus faibles puisque ces sites s’organisent pour ne pas tomber sous le coup de la loi française.

A noter également qu’en matière de lutte contre le jeu excessif, voire pathologique, ont été mises en place des procédures par lesquelles les joueurs peuvent s’« auto-interdire » de jouer. Les sites agréés présentent les démarches à entreprendre, auprès des services du Ministère de l’intérieur.

Interview de Frédéric GUENIN, avocat publiée pour la première fois dans Internet Pratique n°122 spécial été 2011

Site créé par Frédéric Guénin.